Publié le 20/05/15 – 16h03 – HOSPIMEDIA
Les deux rapporteurs de la mission consacrée aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont présenté les principales orientations à donner à ce concept sans tomber dans le modèle type. Ils souhaiteraient en outre que le Sénat réintroduise dans la loi de Santé les équipes territoriales notamment pour les équipes techniques.
Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau ont fait mardi 19 mai lors des Salons de la santé et de l’autonomie 2015 une présentation de leur mission sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Une mission qui leur a été confiée en novembre 2014 par la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Le but était d’étoffer et d’aller plus loin dans le concept de GHT — qui était présenté dans la première mouture du projet de loi de Santé en vue d’un amendement gouvernemental. Celui-ci, adopté par l’Assemblée nationale (lire ci-contre), a repris toutes les propositions issues des concertations menées par la mission à une exception près, a indiqué Jacqueline Hubert. En effet, la mission a proposé que des pôles inter-établissements soient mis en place. Une proposition que l’Assemblée nationale n’a pas suivie lors des débats et « c’est une erreur », a précisé Frédéric Martineau. Si cette notion d’équipe territoriale n’existe pas, les GHT ne fonctionneront pas, a-t-il insisté. Il est donc primordial que l’équipe médicale territoriale existe et, a fortiori, pour les équipes techniques. Des pôles inter-établissements doivent voir le jour sur l’imagerie, la pharmacie ou encore la biologie. Les prochains débats au Sénat sur le projet de loi devraient donc être l’occasion de réintroduire cette notion, a ajouté Frédéric Martineau, et pourquoi pas via un amendement.
Le GHT plébiscité
Ce point a également été l’occasion pour Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau de donner non pas leur vision du GHT mais bien celle imaginée par les acteurs rencontrés et de préciser les contours d’un concept phare. Ce qui les a surpris au cours de leurs auditions est que ce concept a été plébiscité par tous. Il s’agit, a expliqué Jacqueline Hubert, d’un signal fort qui donne le sentiment que cette fois « cela va fonctionner », aidé en cela par les coopérations territoriales de santé (CHT). Celles-ci ont introduit et ont constitué un premier pas vers ces notions de territoire et de coopération. Pour la mission, l’élément fondateur du GHT est le projet médical partagé. Mais l’élaborer n’est pas simple, il devra, a détaillé la directrice générale du CHU de Grenoble, partir d’un travail d’analyse des besoins pertinent et être porté par toutes les équipes. Les établissements devront se mettre d’accord sur les objectifs ainsi que sur l’état des lieux. Le projet médical partagé devra porter sur toutes les spécialités et ne pas être dédié qu’à une seule. Interrogée par un participant à la conférence sur les GHT dédiés à la psychiatrie, la mission a insisté sur le fait que le projet médical doit de toute façon tenir compte de la psychiatrie. Par ailleurs, elle s’est opposée au caractère systématique du GHT spécialisé. Le phénomène de redondance au sein d’un territoire doit être supprimé, a-t-elle précisé.
Les acteurs de santé moteurs des GHT
Le GHT « ne verticalise pas mais horizontalise le système », a indiqué Jacqueline Hubert. Et ce système transversal, ce sont les acteurs qui doivent le mettre en place. La spécificité des établissements d’un GHT doit être reconnue mais l’organisation doit s’appuyer sur un maillage territorial volontaire et transparent. Deux conditions de la réussite d’un projet médical partagé, a-t-elle ajouté. À ce titre, Frédéric Martineau a insisté sur le fait que ce sont les acteurs de terrain qui connaissent le mieux les problématiques, il leur revient donc de s’emparer du sujet et d’actionner tous les leviers possibles pour y parvenir.
Deux options, estime-t-il, s’offrent à eux. Soit les acteurs de santé de terrain prennent à bras-le-corps les problématiques de leur territoire et proposent des solutions, soit ils seront forcés de le faire. « Les GHT sont un moyen d’assurer une offre de soins égale, accessible à tous et sécurisée. Si on ne le fait pas, c’est l’argument économique qui prévaudra et cela se fera donc pour les mauvaises raisons », a-t-il expliqué. C’est en ce sens que le calendrier est exigeant pour notamment la mise en place du projet médical partagé. Six mois supplémentaires ont été accordés (la date est passée de janvier à juillet 2016) avec le passage devant le Sénat « mais pas plus » afin que le processus soit enclenché rapidement et de ne pas perdre de temps, a indiqué le président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME). Pour lui, les acteurs savent d’ores et déjà ce qu’il faut faire sur le terrain. Le « haut niveau de contrainte est nécessaire », a-t-il insisté.
Pas de modèle type
Si la mission n’a pas trouvé pertinent de donner un modèle type de GHT, elle présente néanmoins quelques orientations. Ainsi, elle ne souhaite pas qu’un nombre d’établissements soit fixé à l’avance pour participer aux GHT. « Il y aura peut-être autant de GHT que de territoires mais nous n’avons pas voulu inscrire dans la loi un GHT type car il nécessite avant tout de la cohérence et de la lucidité », a indiqué Jacqueline Hubert. La mission estime qu’il faut « changer le cadre en vigueur pour favoriser une stratégie de groupe ». Chaque établissement conserve sa propre gouvernance et ses instances, a détaillé Jacqueline Hubert. Un comité stratégique avec les directeurs, les présidents de CME et les directeurs de soins est instauré pour faire avancer les différents projets du GHT. Une deuxième instance représentant les élus pourrait aussi être mise en place. Ils pourront s’y assurer que l’égal accès aux soins est bien respecté et y faire des préconisations. Le droit à l’expérimentation devra être laissé aux établissements sur le sujet de la gouvernance. Sur le sujet de la personnalité morale, la mission a rappelé s’être battue pour qu’elle n’existe pas. Le but n’est pas d’aller vers un établissement unique, ni de recréer une administration supplémentaire. D’ailleurs, Frédéric Martineau a précisé qu’en fondant une personnalité morale, il faut aussi mettre en place les instances qui vont avec : comité d’hygiène, de sécurité, des conditions de travail (CHSCT), comité technique d’établissement (CTE), CME… La personnalité morale ajoute donc une strate supplémentaire alors que le but du GHT est que ce soit simple, ont rappelé les deux rapporteurs.
Un système d’information partagé
Les outils devront être mis en commun. Ainsi, Jacqueline Hubert a mentionné le système d’information (SI) non pas unique mais partagé, nécessaire pour répondre à la mobilité des professionnels de santé. L’objectif dans un premier temps sur ce sujet est de rendre les SI communicants sur un territoire. La question de la mutualisation pourra venir au moment du renouvellement des contrats par exemple. Sur les achats et les Dim, des gains peuvent être réalisés et ces sujets doivent être traités progressivement, a indiqué la DG du CHU de Grenoble. Pour qu’un GHT fonctionne, il faut instaurer la solidarité financière et avoir une trésorerie commune sur le compte courant. La mission a également abordé le sujet de la reconnaissance indemnitaire pour les directeurs et les médecins du projet territorial.
Actuellement, la prime multisites n’est pas à la hauteur de l’ambition du GHT, a indiqué Frédéric Martineau. Un travail indemnitaire devra être engagé pour pouvoir reconnaître le travail territorial. « Si on fait du maillage territorial, il faut s’en donner les moyens. Et l’un des moyens est la reconnaissance indemnitaire », a-t-il insisté. De son côté, Jacqueline Hubert précise qu’un statut de directeur délégué est à inventer pour les établissements d’un groupement. Un statut qui permettrait l’avancement et de maintenir une vie locale dans ces établissements. Le GHT est une opportunité, a souligné la mission, une solution pour irriguer, réorganiser et restructurer l’offre de soins sur un territoire en associant l’ensemble des acteurs.
Une mission en deux phases
La mission confiée à Jacqueline Hubert et à Frédéric Martineau se déroule en deux phases. La première a été dédiée à la concertation. Au total, une soixantaine d’auditions ont été réalisées auprès des usagers, des professionnels de santé, des ARS, des fédérations, des syndicats, de personnalités qualifiées et des élus, auxquelles s’ajoutent une trentaine de contributions écrites. Un rapport de mission intermédiaire sera rendu ce jeudi au ministère pour présenter le travail réalisé. La deuxième phase consiste en l’élaboration d’une boîte à outils pour accompagner la mise en place de ces GHT. Ce travail est actuellement en cours et la boîte à outils devrait être disponible d’ici la fin de l’année. L’objectif est que les établissements s’appuient sur des outils notamment pour mutualiser leurs services techniques.
Géraldine Tribault
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