Extrait d’une publication du 05/07/17 – HOSPIMEDIA
Christian Müller : président de la Conférence des présidents de CME de CHS
Alors que les CME multiplient les artertes sur les difficultés de la psychiatrie, le Dr Christian Müller, président de la Conférence des présidents de CME de CHS, plaide pour la préservation des moyens en 2018. Au risque, sans cela, d’une régression de l’offre territoriale vers l’hospitalocentrisme.
A l’occasion de la rencontre de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, le 13 juin, aux côtés des autres présidents de conférences hospitalières et du président de la FHF , la ministre a confirmé spontanément que la psychiatrie et la santé mentale constituent une priorité nationale.En particulier, une attention toute particulière sera portée sur l’offre de soins en pédopsychiatrie.
H. : Pouvez-vous préciser vos inquiétudes quant aux perspectives pour la psychiatrie ?
C. M. : J’ai reçu à ce jour une quinzaine de motions de commissions médicales d’établissement (CME), dans la suite de celle du Vinatier en début d’année [où près de 170 médecins et psychiatres alertaient sur leurs conditions de travail]. Ces motions viennent d’hôpitaux situés dans toutes les régions et sont convergentes dans les préoccupations : il est question de « sauver » la psychiatrie, de « paupérisation », de démantèlement de l’offre, des difficultés des conditions de travail, d’un sentiment d’épuisement des professionnels, des soignants, des médecins, dont des présidents de CME. Je souhaite vraiment alerter sur cette situation et sur le risque d’aller à contre-courant du mouvement actuel de territorialité. On parle ainsi dans ces motions d’injonctions paradoxales. Les demandes sont croissantes à l’adresse de la psychiatrie, ce qui se traduit d’ailleurs par la hausse des files actives et, dans le même temps, on assiste à une aggravation de la situation budgétaire et financière et, par là, des conditions de travail et même d’accueil des patients. Si la situation continue à évoluer de la même manière, on va se diriger vers une sorte d’assèchement des dispositifs et à une régression qui consisterait en un recentrage sur l’hospitalisation. C’est une vraie gageure !
La discipline, qui a été la première à apporter la territorialisation du soin, au travers de la sectorisation, se verrait aujourd’hui menacée dans ce mouvement territorial, alors que c’est le maître mot de la politique de santé actuelle… Les acteurs de la psychiatrie, qui ont été pionniers, précurseurs, artisans des soins dans les territoires, se verraient contraints à une régression hospitalocentrée, réduits aux prises en charge de soins sous contrainte. Et qui plus est, ils se verraient adresser le reproche d’être absents désormais sur le terrain !
H. : La mise en place actuelle des communautés psychiatriques de territoire (CPT) peut néanmoins contribuer à réaffirmer et renforcer cette territorialité de la psychiatrie…
C.M. : La mise en place des CPT est en effet un sujet extrêmement important qui a une dimension structurante dans le paysage de la psychiatrie. Nous sommes en train de finaliser un premier recensement des CPT en vue d’en réaliser une cartographie. Il y a actuellement une trentaine de communautés finalisées ou en voie de constitution. Dans ces communautés, la territorialité de la santé mentale est laissée aux mains des acteurs, c’est un élément essentiel. Tout comme est prévue d’emblée la fédération de tous les acteurs concernés (médico-social, privé, etc.). C’est le seul outil qui associe les partenaires habituels des professionnels des secteurs de psychiatrie. On peut néanmoins regretter que leur mise en place intervienne après celle des groupements hospitaliers de territoire (GHT), au risque d’une confusion dans les esprits sur l’objet de ces CPT. Il faudrait arriver à ce que, lorsqu’elles existent, elles soient les porteurs de l’activité de psychiatrie pour le GHT, même si les choses doivent être organisées au cas par cas, puisque les dispositifs ne sont pas forcément superposables. Et que le projet médical partagé (PMP) du groupement pour la psychiatrie soit constitué de l’ensemble des projets médicaux des CPT concernées.
« Les pôles interhospitaliers des GHT en lien avec la psychiatrie devraient être sous la responsabilité de l’établissement psychiatrique du groupement et non de l’établissement support. »
Ce qui est également très important aujourd’hui, c’est l’émergence — avec l’élaboration des PMP des GHT — de pôles interhospitaliers, qui peuvent concerner la psychiatrie. Il faudrait que ces pôles en lien avec la psychiatrie puissent être sous la responsabilité de l’établissement psychiatrique du groupement et non de l’établissement support.
H. : Quelles sont vos attentes à court terme sur les moyens alloués à la psychiatrie ?
C. M. : Il y a notamment des réserves prudentielles, dans le cadre des lois de finances chaque année qui touchent la psychiatrie. Il faut préserver la discipline de ces réserves prudentielles en 2018. On ne connaît que trop la psychiatrie comme une variable d’ajustement des dépassements financiers qui se font ailleurs. De plus, nous sommes engagés dans des travaux sur l’évolution du modèle de financement de la psychiatrie au sein du comité de pilotage à la DGOS. Au titre de la conférence, nous ne souhaitons pas le statu quo pour les dotations annuelles de financement et nous sommes favorables à ce que les travaux de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) sur l’enquête de coûts en psychiatrie soient suspendus. Et ceci dans l’attente des grandes orientations données par la DGOS sur le financement . »
Propos recueillis par Caroline Cordier